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ROMAIN BOUTEILLE - Deux ou trois choses que je sais de lui -

- Après une enfance récalcitrante, il est interne (interné?) dans un collège médico pédagogique. Sous la houlette du père Cordier, il se livre à mille facéties impunies dont il parlera toute sa vie.
- Emmuré 27 mois à Berlin, ses copains de régiment sont Jacques Barbier, futur auteur, Bernard Thomassin, futur décorateur, Jean-Pierre Dutour,, futur artiste. Il décide de faire RIRE.
- Libéré il s'inscrit au cours Charles Dullin, panouille au TNP avec Jean Vilar, part jouer Beaumarchais en Corse avec Henri Guybet, débute dans les cabarets rive gauche, et c'est à la Communauté Théâtrale de Raymond Rouleau et Tania Balachova, que je l'ai aperçu.
- Comédien il joue avec Roland Dubillard, avec Jacques Fabbri, on s'est perdus de vue.
- On s'est re-connus au Théâtre la Bruyère où il joue L'ECHAPPÉE BELLE avec Henri Garcin et Monique Tarbès, spectacle de sketches devenu triomphe d'un jour à l'autre grâce...au Figaro. Succès trop long et monotone, qu'il abandonne assez vite pour écrite sa première vraie pièce avec Jacques Barbier, Jean-Pierre Dutour et moi-même:
- LA LIMANDE BOUT, interprétée par les copains du cours Dullin, du cabaret et Lise Granvel, décor de Bernard Thomassin, répétée des mois au Moulin Rouge et jouée 30 fois à l'Athénée Louis Jouvet - que sa directrice Yvette Etiévant, solidaire de notre déception, quitte avec nous.
- Nous réfléchissons sérieusement à trouver un lieu où nous serions libres de jouer ce qui nous plairait quand il nous plairait et avec qui il nous plairait. En attendant Romain joue son "one man" JE M'APPELLE HARRI DAVE à la VIEILLE GRILLE, où Brigitte Fonaine, Jacques Higelin et Rufus, jouent MAMAN J'AI PEUR. Nos marginalités fusionnent.
- Mai 68, Romain rencontre Coluche, je rencontre Patrick Dewaere. En juillet, Romain et Coluche nous invitent à les rejoindre sur leur chantier, où bricolent déjà Catherine Mitry et Miou-Miou, repos de ces guerriers. Jean-Michel Haas, Gérard Lefèvre et Henri Guybet se sont ajoutés à la "base de la base". Ça y est! Nous sommes libres de faire ce qui nous plait, etc, etc ...
LE CAFÉ DE LA GARE ouvre le 12 Juin 1969 au 18 rue d'Odessa. Il devient vite trop petit pour son public et ferme 2 ans plus tard, après le tournage de THEMROC de Claude Faraldo.
- En 1973 LE CAFE DE LA GARE est enfin autorisé à ouvrir en plus grand au 41 rue du Temple, à condition de murer sa façade sur cour et de bombarder l'intérieur d'amiante. Quelle époque!
- A la fin du siècle, alors que la "base" s'émiette, Romain laisse la place à Philippe Manesse. Il rencontre Saïda Churchill, et son solo devient souvent un duo. Leur fils Shams, naît en 1997. Romain joue une dernière fois "LA DAME AU SLIP ROUGE" avec nous, à Marseille. Avec Saïda , ils ouvrent en 2014 "LES GRANDS SOLISTES" à Etampes, un lieu où on aime se bousculer.
Romain est mort de "difficultés respiratoires", dues non pas à la Covid, mais peut-être à l'amiante, au tabac, et surtout aux pollutions culturelles, idéologiques et médiatiques de notre quotidien. Beaucoup de choses l'empêchaient de respirer, il les a combattues avec énergie,et dans la bonne humeur, mais de plus en plus seul. Il aimait l'insolence, la vivacité d'esprit, l'inventivité, la contradiction, la langue française, le bricolage et d'une façon générale, L'ARTISANAT, des valeurs qui se vendent mal. Surtout quand on n'a pas envie de VENDRE.
De nos jours, son célèbre: "Déjà les racistes, j'aime pas tellement, mais alors les noirs!" n'aurait pas le temps de faire rire avant l'arrivée de la police, et la virtuosité de la rime dans: "Bien qu'on la sut pute à part entière - on ne la supputa pas rentière" s'entend comme une vulgaire vulgarité anti - féministe.
Alors salut.
Sotha